L’information est tombée au milieu de l’été sans bruit : le feu vert a été donné fin juillet pour une révision anticipée de l’ISO 9001 par les représentants des pays membres du Comité Technique de l’ISO en charge de ce référentiel, à l’issue d’un vote décisif (36 pour la révision / 25 pour le maintien / 17 abstentions).
Un précédent vote des représentants officiels à l’ISO avait eu lieu en mars 2021, à l’échéance de la revue quinquennale de la norme, concluant à une courte majorité au maintien de la version actuelle, et remettant à 2026 une prochaine prise de position sur la révision du référentiel, qui selon cette hypothèse aurait pu être publié en fin de cette décennie, en 2029 ou 2030.
Au vu du résultat serré du vote, la poursuite de réflexions et de travaux sur la révision avait été autorisée au sein du comité, pour nourrir l’analyse de l’opportunité d’une révision anticipée. La raison principale des promoteurs de cette révision était et demeure d’assurer le maintien de la pertinence de l’ISO 9001 aux besoins des utilisateurs et des marchés dans lesquels ils opèrent. Cet objectif, raison d’être du référentiel, nécessite une mise à jour régulière des exigences de l’ISO 9001 au regard des meilleures pratiques de management de la qualité ayant fait leurs preuves pendant la période écoulée entre deux révisions, c’est-à-dire en l’occurrence depuis les années 2010.
Le feu vert de fin juillet 2023 pourrait conduire à une publication de la 6è version de l’ISO 9001 pour 2025 ou 2026, soit 10 après la version 2015.
Au-delà des avis personnels sur l’opportunité d’accélérer ou pas le processus de révision, la question principale qui se pose est de savoir si le contexte et la vie des entreprises et des salariés, le fonctionnement et la conduite des processus, les relations avec les clients et les parties intéressées, les technologies, les produits, les marchés et les clients … ont changé en 10 ans ?
Ce qui pourrait advenir ?
Cette question a été au cœur de la mission confiée au groupe de travail de l’ISO qui a donné ses réponses (accessibles au public « Emerging Themes ») en soulignant l’intérêt et la place prise par les pratiques suivantes dans des entreprises de référence :
- Le concept d’expérience client et ses pratiques associées, en complément de la traditionnelle finalité de satisfaction client ;
- La prise en compte plus fine des facteurs humains dans l’équation de la performance ;
- Le management des relations au sein de chaînes d’approvisionnement et de réseaux de partenaires de plus en plus fréquents et complexes ;
- Les conditions particulières du renouvellement générationnel dans différents pays et les évolutions managériales qu’elles entrainent ainsi que, parfois, les enjeux sur le maintien des connaissances et des compétences ;
- La gestion du changement, devenant une culture et une pratique de plus en plus critique pour la pérennité des organisations, concomitante au développement de cultures d’entreprise spécifiques intégrant des degrés variables d’agilité organisationnelle selon les secteurs d’activités ;
- La prééminence croissante de visions holistiques (qui consistent à prendre en compte l’entreprise dans sa globalité plutôt que de la considérer de manière morcelée) et personnalisées du management global d’entreprise, créant un système de management d’affaires structuré jusqu’au niveau processus, auquel sont articulés et intégrés toutes les perspectives (qualité, environnementale, santé et sécurité au travail …) nécessaires afin de satisfaire les besoins et attentes des différentes parties intéressées et des objectifs stratégiques de l’organisme ;
- L’importance croissante de la gestion des informations, des connaissances et compétences aux niveaux organisationnels, collectifs et individuels ;
- Les enjeux de l’innovation et des technologies émergentes pour leurs apports potentiels pour la performance des processus métiers et des systèmes de management ;
- La prise en compte d’évolutions sociétales ayant un impact sur les modes de consommation et de production de biens et services (économie circulaire, responsabilité sociétale …) ;
- etc.
Il est fort probable que ces sujets ne pourront pas tous intégrer la nouvelle version de l’ISO 9001 et pour ceux qui seront élus, tous n’entreront pas avec la même intensité dans les exigences.
Un document interne est en cours de finalisation au sein du Comité Technique précité pour spécifier le cadre et les règles de conception du contenu de la norme révisée, notamment pour l’évaluation et l’acceptation des propositions de nouveaux contenus.
Ce cadre fixe des limites d’évolution et prévoit le maintien de caractéristiques clés de l’ISO 9001, comme par exemple : le titre et la structure du référentiel, son domaine d’application, le caractère générique et accessible à tous les secteurs d’activités, les principes du management de la qualité et de l’assurance de la qualité, l’approche processus, l’approche par les risques et le modèle PDCA.
Ces contraintes globales laissent néanmoins la place à des évolutions, qui seront plus ou moins significatives selon la richesse des échanges au sein des groupes de travail et selon la convergence de vues lors de la recherche de consensus entre délégations membres de l’ISO.
Dans les mois à venir, les informations seront de plus en plus précises et nous verrons quels marqueurs et bonnes pratiques symboliseront la version ISO 9001 : 202X !
L’ISO 9001, marqueur de nos pratiques professionnelles
Au retour de vacances, force est de constater que l’été a été studieux pour certains, ce qui n’exclut pas quelques moments de détente, de légèreté ou de nostalgie, en se remémorant les tubes et les succès passés, au rythme des compils des années 80, 90 ou 2000 qui ont jalonné nos vies personnelles.
De manière analogue, ne peut-on pas dire que, d’une certaine manière, l’ISO 9001 dans ses versions successives a jalonné nos vies et pratiques professionnelles ?
Les années 80 -90 ont consacré le Manuel qualité, qui n’a pas encore tiré sa révérence, la Politique qualité et les procédures, bien présentes !
Les années 2000 ont définitivement inscrit au patrimoine qualité l’approche processus, l’amélioration continue et son emblème PDCA ainsi que la satisfaction client et sa mesure.
Le millésime 2015, quant à lui, a tenté d’initier le plus grand nombre à l’approche par les risques, ainsi qu’à l’alignement stratégique du SMQ, via notamment la prise en compte du contexte et enjeux de l’organisme, des besoins et attentes des parties intéressées, et plus abordable, nous a légué une structure commune à toutes les normes de systèmes de management, en 10 chapitres.
Quel leg pourrait nous faire la 6ème génération de l’ISO 9001 ?
Il pourrait être souhaitable que la prochaine version de l’ISO 9001 renforce deux dimensions initiées dans la version actuelle et en introduise une nouvelle, parmi l’ensemble des sujets mentionnés ci-dessus :
- Renforcer l’alignement stratégique du SMQ et des processus, en invitant les entreprises à établir des architectures de processus personnalisées, adaptées à leurs marchés, leurs parties intéressées et à leurs objectifs stratégiques ;
- Approfondir les exigences portant sur les connaissances organisationnelles et leurs relations systémiques avec d’autres éléments de la démarche qualité, tels que l’approche processus, l’approche par les risques ;
- Exploiter et tirer parti des technologies et de la numérisation des activités pour (re)mettre et embarquer la qualité dans le direct de l’action et soutenir les acteurs métiers par la mise à disposition des informations utiles et nécessaires, à l’instar d’un exosquelette soutenant le manutentionnaire dans ses mouvements, tout en conservant les pratiques utiles d’analyses post-mortem.
Ces dimensions sont souvent sous investies par les entreprises car les exigences correspondantes de l’ISO 9001, pour les deux premières, sont assez élémentaires et autorisent des réponses peu structurées et non corrélées entre elles.
Concernant la troisième dimension, elle illustre une opportunité rendue possible grâce à l’évolution des techniques et des outils qui permettent aujourd’hui des pratiques auparavant impossibles à concrétiser à grande échelle et à coûts abordables au plus grand nombre.
Un système gagnant !
Cette révision des exigences du référentiel ISO 9001, petit pas dans l’absolu, pourrait devenir un grand pas dans l’histoire des démarches qualité en incitant les entreprises, à recourir à un management global, par approche système ou holistique. Ce qui, ironie de l’histoire, consacrerait le retour gagnant du principe de management par approche système qui fût victime d’un toilettage malencontreux lors de la révision de 2015 !
Bonne rentrée et belles perspectives systémiques à tous !